Auteur, c'est
une profession indépendante.
Comme les
artisans, les libéraux, les commerçants.
Mais il y a
une grosse différence entre l'auteur et tous ceux là : pour lui,
c'est le client qui fixe le tarif. Pas l'état, comme dans les
professions à tarifs réglementés, non, non, celui qui fixe le
tarif, c'est bien le client, c'est à dire l'éditeur.
Le système de
rémunération des auteurs pourrait être comparé à celui des
agriculteurs que le "marché" oblige à vendre leur
production à perte.
Mais c'est
même encore pire : car l'auteur n'a pas la possibilité de faire de
la vente directe, de s'assurer en cas d'arrêt de sa série, de faire
appel aux banques ou de toucher des aides de l'état ou de l'Europe
(même si une quarantaine de bourses d'écriture de 3.500, 7.000 ou
14.000 € sont versés par le CNL à des auteurs BD chaque année).
Mais pour ne
plus travailler à perte, pour toucher enfin le juste prix, que
faudrait-il faire ?
Et si nous
faisions comme la plupart des autres professions indépendantes, ça
donnerait quoi ?
Et si l'auteur faisait un devis ?
On ne dit pas
à un électricien "Vous allez refaire toute l'électricité de
la maison et je vous donne 1.000 euros" ou au garagiste
"Vous me changez la boite de vitesse de la bagnole et je vous
donne 400 euros". Non, on lui demande un devis.
L'auteur n'est
pas très différent de l'artisan et il pourrait fournir un devis au
potentiel éditeur, avec son dossier pour un projet perso, ou lors
d'une commande. Ainsi ce serait l'auteur qui fixerait son prix, libre
au client de l'accepter ou pas. Les échéances seraient également
fixées par l'auteur. Car travailler sur un projet en 2014 pour
toucher des droits en 2017 ou en 2018, ce n'est pas acceptable.
Et si on payait ses frais à l'auteur ?
Ce devis
devrait comprendre d'abord des frais non aliénables aux droits :
- Les frais
de structure : car l'auteur paye son atelier, son assurance, ses
frais d'énergie, ses frais d'abonnement téléphone pro et internet,
son matériel informatique et autre, ses frais de gestion et de
comptabilité, etc.
- Les frais
afférents au projet : recherches, documentation, réunions
éventuelles, établissement de dossiers, frais de déplacements,
frais d'envoi, etc.
- Le
paiement des textes et des visuels qui seront utilisés à des
fins publicitaires, en particulier la couverture qui servira à TOUS
(éditeur, diffuseur, libraire...) pour vendre le livre et qu'on
retrouvera un peu partout (internet, catalogues...) pour soutenir la
vente du livre.
Ces trois
paiements n'ont rien à voir avec les droits d'auteurs. Ils sont
payés sur facture et ne dépendent en rien de la vente ou même de
l'existence du livre.
Et si l'auteur touchait ses droits sur le tirage ?
Ensuite, les
droits d'auteurs :
Ils devraient
être payés non pas sur les ventes, mais sur le tirage.
Si
l'éditeur tire 6.000 exemplaires, il paye les droits sur 6.000
exemplaires ! Pourquoi faire porter à l'auteur un échec
commercial ? Le travail de l'auteur n'a rien de commercial. Quand il paye des droits, l'éditeur
achète le droit d'exploitation d'une œuvre, pas son potentiel de vente !
Si l'éditeur signe, c'est qu'il pense que ça va marcher. S'il se trompe, à lui et aux autres acteurs de la chaîne commerciale du livre d'en supporter les conséquences.
Si l'éditeur signe, c'est qu'il pense que ça va marcher. S'il se trompe, à lui et aux autres acteurs de la chaîne commerciale du livre d'en supporter les conséquences.
De plus le
tirage est déclaré à la BNF. Il est donc facilement contrôlable.
Et bien, sûr,
en cas de réimpression, même chose avec des droits re-négociables.
Et l'auteur
touche bien sûr des droits sur les exemplaires distribués
gratuitement (sauf les siens) ! Il n'a pas à supporter le coût
de la promotion ! Un commerçant qui décide de lancer une opération
2 achetés = 1 gratuit, par exemple, ne fait pas supporter le coût
de son opération à son fournisseur !
Et si on payait à l'auteur son travail de promotion ?
Enfin les
frais de promotion. La tournée des festivals qui suit la sortie d'un
titre est effectuée bénévolement par l'auteur. Pourquoi donc ?
Toutes les personnes qui participent à la vente du titre sont
rémunérées et pas lui !!! Et qu'on ne me dise pas qu'il est payé
en droits d'auteurs. Ces droits payent son travail d'auteur et pas un
travail supplémentaire de vendeur.
L'auteur doit
facturer les jours passés en festival pour la promotion du titre.
Un magasin qui
prend un animateur pour promouvoir le foie gras pendant les fêtes
paye l'animateur, non ? Hé bien là, c'est pareil. Et ça tombe
bien, la charte des auteurs et des illustrateurs a prévu un tarif
pour les signatures : 205,00 € par jour.
Allez ! Un petit exemple !
Voilà un petit exemple de devis. 46 planches, scénar et dessin.------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
DEVIS
Concernant
le réalisation d'un album de BD de 46 planches.
Durée
prévue de la réalisation 10 mois.
Frais
de réalisation
Frais
de structure (atelier, charges, matériel...) = 400,00
€ x 10 mois = 4.000,00 €
Frais
afférents au projet (recherche, documentation...) = 500,00
€
Paiements
des visuels qui seront utilisés à des fins publicitaires : 1.000,00
€
Total
des frais de réalisation : 5.500,00 €
Payable
aux dates suivantes : 40% à la commande, 30% à la livraison, 30% à
la sortie de l'album.
Droits
d'auteur sur le premier tirage
Premier
tirage déclaré : 6.000 exemplaires – 20 gratuits auteurs = 5.980
exemplaires
Prix
de vente public HT : 13,27 €
pourcentage
de droits payés à l'auteur sur le PVHT : 8 %
5.980
exemplaires x 13,27 x 8 % = 6.338,80 €
Total
des droits d'auteurs sur le premier tirage : 6.338,80 €
Payable
aux dates suivantes : 30% à la commande, 30% à la livraison, 20% à
la sortie de l'album, 20% à date de sortie + 1 an.
Tout
retirage ou réimpression fera l'objet d'une nouvelle négociation
des droits.
Frais
de promotion
Si,
pendant les 6 mois suivants la sortie de l'album l'auteur est amené
à participer à des séances de dédicaces ou de signatures en
librairie, en bibliothèque, en médiathèque, en salon, en festival,
etc., il sera rémunéré sur la base du tarif de la charte des
auteurs et illustrateurs.
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Pour 10 mois de travail, c'est pas énorme, mais c'est bien mieux que ce que décroche la plupart d'entre nous la plupart du temps !
Et bien sûr, en cas de retirage, on renégocie les droits, ça n'interdit pas le succès, au contraire, puisque, à l'inverse du système actuel d'avances, l'éditeur a intérêt à vendre le plus de livres possibles afin de diluer au maximum les 6.000 € non dépendants des ventes et le montant des droits versés sur les albums gratuits, défectueux ou abimés...
Tout cela n'est qu'indicatif. Essayez donc de faire votre propre devis avec vos propres chiffres, et vous verrez bien ce que ça donne pour vous !
L'éditeur est notre client !
Présenter les choses comme cela aurait le mérite de remettre l'éditeur à sa place de client de l'auteur, de lui faire payer un prix plus juste pour notre travail. Rémunérer l'auteur sur la totalité d'un tirage l'obligerait à devoir tenter de vendre le titre, à le défendre au mieux, à allonger sa durée de vie. Cela éviterait aussi le sur-tirage qui conduit un nombre considérable de livres au pilon.Mais ça, c'est une autre histoire.
Je ferai un article un de ces jours sur la perversité d'un système dans lequel les (gros) éditeurs n'ont même plus vraiment besoin de vendre de livres...