Beaucoup parlent de créer un fond de solidarité pour les auteurs.
C'est une bonne idée. Il y a tant d'auteurs qui sont en grande détresse financière que les bénéficiaires potentiels de ce fond se bousculeraient !
L'idée ne semble donc pas mauvaise, même si l'utilisation du fond reste à définir : pour qui ? Sous quelles conditions ? Sous quel statut ? Sous quelle forme ? pour quels montants ?
Beaucoup de questions à régler.
Pour abonder à ce fond, par contre, les idées ne manquent pas. Je vais en creuser trois petites et tenter de faire les comptes...
Taxer le domaine public.
L'idée de taxer les livres tombés dans le domaine public est une vieille idée. Elle est apparue dès le 18° siècle et a été relancée régulièrement par la suite, sans résultat.
En France, une œuvre tombe dans le domaine public 70 ans après le décès de son auteur (+30 ans s'il est mort pour la France). Les œuvres posthumes y tombent 25 ans après leur première publication.
6 auteurs concentrent 40% des ventes de livres du domaine public : Molière, Maupassant, Zola, Hugo, Balzac et Voltaire.
Et ces ventes sont peu nombreuses. Car il ne faut pas oublier que la plupart des livres des auteurs du domaine public sont utilisés à l'école et sont assortis de notes, commentaires, études qui, eux, sont assortis de droits.
Les ventes de livres du domaine public sans droit tournent autour de 3.600.000 livres. Si on taxait ces livres à, par exemple, 0,50 €, cette taxe apporterait donc au fond de solidarité des auteurs 1.800.000 €.
Taxer les droits versés aux ayants-droits.
La deuxième idée serait de taxer les droits d'auteurs versés aux ayants-droits héritiers.
Ces ayants droits sont les descendants, conjoints, héritiers, légataires d'un auteur. Ils touchent les droits sur les ventes des livres de l'auteur entre la date de sa mort et le moment où l’œuvre tombe dans le domaine public, c'est à dire en général 70 ans. Ils touchent également les droits sur les œuvres posthumes.
On pourrait assortir le paiement des droits versés aux ayants-droits d'une taxe de 10%. Ils ne seraient pas contents, bien sûr, mais après tout, toucher ces droits ne leur demande pas beaucoup de travail ni de créativité...
On pourrait étendre cette taxation aux droits voisins (adaptations, produits dérivés, etc.), mais c'est une autre histoire.
Comme il est très difficile de savoir quel pourcentage de droits est versé à des ayants-droits, je vais me permettre une petite extrapolation.
La vente de livres génère environ 435.000.000 € de droits d'auteurs. Si on estime que 5% de ces droits reviennent à des héritiers, ça fait 21.750.000 €. Une taxe de 10% sur ces droits rapporterait donc au fond de solidarité des auteurs 2.175.000 €.
Taxer les manuels scolaires.
Il se vend chaque année en France 32.000.000 de manuels scolaires !
Les ventes en sont prévisibles et garanties. Donc, moins de risques. Pas ou peu de retours. Moins d'intermédiaires. Les tirages sont généralement importants, ce qui limite les coûts.
On m'objectera qu'environ 10% du tirage est distribué gratuitement à titre de spécimens. A mon avis, cela ne compense pas les avantages énormes que j'ai énuméré ci-dessus.
Ces livres sont vendus en moyenne 15 €. Si on les taxait à hauteur de 0,10 € par livre, taxe payée par les éditeurs, ça ne ferait que 0,66 % du prix de livre ! Et cette taxe rapporterait au fond de solidarité des auteurs 3.200.000 € !
7 millions pour 7.000 précaires.
Mettre en place ces trois taxes permettrait donc d'abonder le fond de solidarité à hauteur de 7.175.000 € par an. La solidarité, c'est fait pour aider les plus faibles. Mais qui sont-ils et combien sont-ils ?
Les affiliés à l'agessa du secteur du livre sont environ 3.500 et on peut considérer qu'un peu moins de 60% touchent des revenus très faibles, soit environ 2000 personnes.
Les assujettis à l'agessa du secteur du livre sont plus de 100.000 !
Les plus nombreux (90%) perçoivent très peu et ne peuvent être considérés comme auteurs ou illustrateurs professionnels, ou sont des ayants droits. Un certain nombre (autour de 5%) gagne correctement sa vie. Reste donc 5% d'auteurs à revenus extrêmement faibles, soit environ 5.000 personnes.
Ca nous fait donc environ 7.000 personnes à aider. Avec 7.175.000 €.
1.025 € par personne et par an...
C'est pas beaucoup, mais c'est un début.