Bonjour !

Je suis écrivain et scénariste de BD.
Mon premier livre est sorti en 2009. Depuis, j'en ai sorti 22 autres... Je travaille aussi pour le ciné, la télé, le jeu vidéo, les applications et même le jeu de plateau.
Car pour toutes ces créations, il y a besoin d'écrire. Donc j'écris. Depuis le temps que j'en rêvais !

Et pourtant bien souvent je l'entends, cette question étrange : "Et sinon, vous avez un vrai métier ?".
Elle me fait un drôle d'effet et je n'ai pas encore trouvé comment y répondre... Alors ce blog va servir à ça : à essayer d'expliquer que oui, écrivain et scénariste, c'est un métier, un vrai.

mercredi 21 février 2018

Si on organisait les interventions d'auteurs ?

Pour les auteurs, il devient de plus en plus difficile de vivre de leur travail d'écriture, d'illustration ou de dessin. A valoirs en chute libre, pourcentages sur les ventes en baisse, charges en hausse constante et bien sûr, tirages (et donc ventes) qui se réduisent de plus en plus.

Trouver des revenus annexes

Beaucoup d'auteurs vont chercher des revenus annexes en faisant des interventions, des rencontres ou des ateliers en milieu scolaire. Bien sûr, certains auteurs n'aiment ou ne peuvent pas faire ce genre de travail. C'est difficile, fatigant, exigeant et vraiment très particulier. Mais beaucoup adorent rencontrer leur public ainsi.
Et puis, c'est une bonne source de revenu grâce aux tarifs posés par la charte des auteurs et des illustrateurs et acceptés par (presque) tous : 376 € par jour...

Mais pour l'auteur, c'est très difficile de les trouver, ces interventions. Elles sont souvent loin de chez lui, ou sont découpées en demi-journées qui se posent ça et là sur le planning et demandent des temps de déplacements parfois compliqués et pénalisants. Il arrive souvent qu'on ait deux heures de déplacement pour une heure ou une heure et demi de travail auprès des élèves. Et si certains mois sont très creux, il faut souvent refuser des rencontres à certains moments pour cause d'embouteillage. Et ne parlons pas des difficultés parfois énormes pour se faire payer !

 Organiser le système


Or il se trouve que, depuis quelques années, on parle beaucoup de faire rentrer la culture à l'école en y multipliant les interventions  d'artistes et d'auteurs. Alors bien sûr, quand on rapproche ces deux réflexions, ça donne des idées : Les auteurs et les établissements scolaires recherchent des interventions ? Et si on organisait tout ça ?

Si on se saisissait du problème ? Si on planifiait pour les auteurs intéressés des journées entières dans des établissements près de chez eux ? Si on construisait ces plannings d'interventions pour l'année ? Si on établissait des contrats un peu dans le genre de ce qui se fait pour les sportifs de haut niveau ?

Imaginons un peu...

 

Un auteur s'engagerait pour faire, par exemple 15 journées d'interventions, rencontres ou ateliers dans l'année. Moins d'une demie par semaine travaillée dans l'année scolaire (36 semaines).
L'auteur n'aurait pas de recherches fastidieuses et aléatoires à faire, il aurait un interlocuteur unique, une convention annuelle unique, une facturation unique, un revenu stable et régulier, versé sans retards. Il se déplacerait chaque fois pas loin de chez lui dans un établissement, et y rencontrerait 3 ou 4 classes.
Il toucherait dans l'année 376 € x 15 semaines = 5.640 € nets.

Quand on sait que beaucoup d'auteurs sont sous le seuil de pauvreté, ce n'est pas rien !

Bien sûr ce système n’empêcherait pas l'auteur de participer à des projets d'école ou à des interventions, rencontres, ateliers en dehors du dispositif. 
Il serait toujours possible de développer avec des établissements ou des organismes des projets longs ou particuliers. Le système d'interventions dont je parle ici ne les remplace pas : il permet simplement à chaque élève du pays de rencontrer un auteur, un illustrateur ou un dessinateur au moins une fois dans l'année.

Changer les règles.

Il faudrait peut-être, pour mettre en place un tel système, changer quelques règles puisque :

"Le montant annuel des rémunérations au titre des activités annexes, toutes interventions cumulées, ne peut excéder 80% du seuil d'affiliation au régime de la sécurité sociale des auteurs, soit 6919 euros pour les revenus perçus en 2015."

Les règles sont faites pour être adaptées et, à l'heure où les auteurs ne peuvent plus vivre de leurs suls droits d'auteur, des changements de règles des agessa m'apparaissent indispensables.

Nous ne sommes pas des animateurs culturels !

Et nous ne voulons pas le devenir. 
Mais bien sûr l'adhésion à un tel programme serait entièrement volontaire, d'une part, et le nombre de ces interventions pour parler de son métier et de son travail seraient assez limité d'autre part.

Je ne pense pas qu'aller dans des écoles une quinzaine de fois dans l'année fasse de nous des animateurs culturels.

Sortir de la précarité et accéder à la culture. Deux utopies ?

Un tel programme 'est peut être bien utopique... 
Ça ne semble pourtant pas si compliqué à organiser et puis...

Il y a en France 62.600 établissements (écoles, collèges, lycées) et pas loin de 500.000 classes.
Si chaque auteur voit 3 classes par jour d'intervention, on peut proposer ce genre de contrat à plus de 10.000 auteurs, illustrateurs ou dessinateurs.
Et bien plus encore si on inclut dans le programme les universités, les maisons de retraites, les centres sociaux, les prisons, les hôpitaux...

10.000 auteurs qui, en faisant un travail qu'ils aiment 15 jours par an pourraient enfin travailler plus confortablement et surtout sortir de la précarité et de l'incertitude.
12.000.000 d'élèves qui rencontreraient une fois par an ceux qui font le littérature d'aujourd'hui. 
La quasi totalité des élèves qui pourraient bénéficier d'un accès à la culture généralisé et de qualité.

On peut rêver, non ?


vendredi 29 décembre 2017

La CSG augmente au 01/01/2018 ?

La CSG augmente donc au premier janvier 2018. On nous le répète sans cesse et partout depuis quelques mois et voilà, nous y sommes : la CSG augmente dans 3 jours.

Mais alors, si c'est un fait, pourquoi donc le point d'interrogation dans le titre de cet article ? Hé bien c'est simple : parce que pour les auteurs, la CSG a augmenté depuis bien avant cette date !!!

UN MAIL DES AGESSA

Comme tous les éditeurs (car je suis auteur mais aussi responsable d'une petite maison d'édition), hier, le 28 décembre, j'ai reçu ce mail des AGESSA :

                                                  TAUX DE PRÉCOMPTE 2018
"A compter du 1er janvier 2018, la part maladie de la cotisation Sécurité sociale disparaît et la CSG augmentent.
Ainsi, le taux des cotisations et contributions à précompter sur le montant brut des droits d'auteurs sera de 10,28 %. Cette hausse prendra effet sur les droits versés à partir du 1er janvier 2018."

LES COTISATIONS AUGMENTENT

Voici le détail que vous pourrez retrouver ICI, dans une fiche pratique mise en ligne sur le site secu-artistes-auteurs.fr
La part de cotisations maladie disparaît et la CSG augmente. On passe de 9,37 % à 10,28 %. Une hausse de 0,91%.
Il paraît qu'elle sera compensée, on ne sait pas encore trop comment, ni pour qui. Le SNAC bd est sur le coup, espérons qu'ils parviendront à négocier une compensation totale et pour tous.

POURQUOI CE POINT D'INTERROGATION ?

Nous savions tout de cette augmentation, rien de nouveau. 
Ce qui m'a amené à mettre ce point d'interrogation dans le titre de l'article, ce sont ces deux petites phrases :

"Cette hausse prendra effet sur les droits versés à partir du 1er janvier 2018."  (dans le mail)

" Les taux applicables sont ceux en vigueur au moment du paiement des droits d'auteur (ou de l’œuvre), et non ceux en vigueur à la date d'émission de la facture ou de la signature du contrat." (dans la fiche pratique)

Car ces deux phrases signifient que pour nous auteurs, la hausse de la CSG a eu lieu depuis longtemps !

LA CSG A 9,4% DEPUIS 2016 !

J'ai un livre qui est sorti en octobre 2016. Je vais toucher les droits sur les ventes en 2018 (comptes arrêtés au 31/12/2017). L'éditeur appliquera donc les nouveaux taux alors que les ventes ont eu lieu en 2016 et 2017.
Pour moi donc, la hausse de la CSG aura commencé en octobre 2016.

En tant qu'éditeur, je vais payer fin janvier des droits d'auteurs sur des ventes de 2017. J'appliquerai les nouveaux taux. Pour les auteurs, la hausse de la CSG aura commencé en 2017. 

SOYONS SOLIDAIRES

Ainsi donc, nous auteurs, allons payer 0,91% supplémentaires pour aucune raison...
Aurait-il été compliqué de demander aux éditeurs d'arrêter les comptes au 31/12 avec application de l'ancien taux ?
Sans doute pas...

Ça n'a pas été fait. L'état n'arrête pas de répéter qu'il n'a plus un sou et que nous devons faire des efforts. Alors, après tout, donner 0,91% de nos revenus antérieurs au 01/01/2018 à cet état si pauvre, c'est pas grand chose.

Pour un auteur qui toucherait en 2018 10.000 € de droits sur les ventes 2016 et 2017 (le chanceux !), ça ne fait que 91 €, une paille pour ce nanti ! 
Les temps sont durs, soyons solidaires !!!



lundi 3 juillet 2017

Nous ne sommes pas des bénévoles !

Eh oui ! Beaucoup de lecteurs ne l'imaginent même pas, mais les auteurs, lorsqu'ils se déplacent dans un salon ou dans un festival le week-end, le font bénévolement. Ils sont nourris, logés, on leur paye le transport, mais le temps passé à dédicacer derrière une table, lui, n'est (en général) pas rémunéré. Et ça en fait, dans l'année, des heures de bénévolat ! 

Dans la plupart des salons et des festivals, le temps de dédicace est d'une dizaine d'heures par jour. 
Un auteur qui fait 5 ou 6 festivals ou salons de deux jours dans l'année passe environ une centaine d'heures à dédicacer auxquelles il faut ajouter le temps de transport. Et il perd (dans l'année) une vingtaine de jours de travail. Bien sûr que ça mérite rémunération !!!

Attention ! Je ne parle dans cet article que des festivals qui invitent des auteurs et non pas des grosses machines (salon du livre de Paris, salon jeunesse de Montreuil, FIBD Angoulême, quai des bulles de Saint-Malo, etc.) qui, elles, louent des tables et des stands à des prix souvent prohibitifs aux éditeurs qui, eux, invitent à leurs frais "leurs" auteurs. 
Je parle ici des festivals, organisés le plus souvent par des associations et des bénévoles avec des budgets très faibles... De ces festivals et salons comme il y en a des dizaines chaque week-end.
Alors bien sûr on pourra m'objecter que la présence de l'auteur fait vendre ses livres et qu'il touche des droits d'auteurs, mais vous savez tous si vous suivez un peu ce blog ou pas mal d'autres qui parlent de ces sujets, que les droits d'auteurs sont en moyenne de 8% du prix du livre (à répartir entre le nombre d'auteurs) et que ça ne fait vraiment pas beaucoup !!! Un auteur de bd qui signe 100 bd (et c'est beaucoup !) à 15 € touchera donc (6 mois, 1 an, 2 ans plus tard !) 120 € bruts. C'est vraiment pas grand chose.

Aujourd'hui, alors que nos revenus baissent sans cesse, que nos contrats contiennent de plus en plus de clauses bizarres et iniques, que nos charges augmentent de façon drastique, faire du bénévolat dans les salons du livre devient insupportable.

Quand ils viennent en festival ou en salon, les auteurs veulent être payés. 

Les premières propositions préconisent une rémunération d'environ 200 € par jour de dédicace. C'est pas mal, mais ça fait une sacré somme pour des salons et festivals souvent très fragiles financièrement ! 30 auteurs pour deux jours, ça fait quand même 12.000 € !!!

Est-ce possible ?
A première vue, oui.

On peut réduire la voilure.

- inviter moins d'auteurs.

Le public viendrait-il moins nombreux dans un festival s'il y a 15 auteurs au lieu de 30 ? Je ne pense pas. Car moins d'auteurs c'est moins de logistique pour les organisateurs et outre les économies réalisées (transport, nourriture, hébergement), cela peut permettre de s'occuper mieux des auteurs et du public, d'offrir à tous une meilleure cohérence, une meilleure visibilité, un meilleur accueil, d'autres prestations...

Il est possible également d'inviter plus d'auteurs locaux afin de réaliser des économies de transport et d'hébergement. Ce n'est pas parce qu'ils sont "locaux" et parfois très peu connus que ces auteurs n'ont pas de talent ! Ce serait l'occasion pour le public de découvrir ce qui se fait près de chez eux, de découvrir de nouvelles choses...

Le gros risque est de voir baisser les subventions. car pour les politiques, la quantité prime souvent sur la qualité. Il faut faire preuve de pédagogie. Leur expliquer l'importance des rencontres entre les auteurs et leur public, leur montrer qu'on peut toucher d'autres publics (je développerai ça plus loin)...
 

- réduire les temps de dédicaces

La plupart du temps, les auteurs dédicacent toute la journée. On n'a bien souvent même pas le temps de faire un petit tour du salon ! On pourrait tout à fait réduire ce temps de moitié et axer leur présence sur autre chose que le commercial pur et dur.
Chaque auteur pourrait avoir un peu de temps libre mais aussi participer à des rencontres, des tables rondes. Parler de son métier, de son art, de sa passion. 
Alors bien sûr il vendrait sans doute moins d'albums, mais il pourrait aller réellement à la rencontre de son public, aller plus loin que "bonjour, je dédicace à quel nom, merci, au revoir". 

La aussi on a le risque de la baisse des subventions. Encore ce problème de quantité. Encore user de pédagogie afin d'expliquer encore et toujours que la diffusion de la culture n'est JAMAIS affaire de quantité.

On peut imposer de nouvelles règles.

Dans toute la chaine commerciale du livre, qui va de l'auteur au public en passant par l'éditeur, le diffuseur-distributeur, le libraire, un seul n'a aucun travail supplémentaire lors d'un festival : c'est l'éditeur. 
Et pourtant les festivals et les salons sont très importants pour lui : l'auteur, le festival, le libraire lui font une publicité gratuite, il y vend pas mal de livres et ça n'est pas si dérisoire qu'ils veulent bien souvent le laisser entendre, car un gros éditeur a des dizaines de titres représentés chaque week-end sur des salons.
Alors pourquoi ne pas demander à tous les éditeurs de garantir contractuellement aux auteurs un pourcentage de droits d'auteurs au moins doublé sur les ventes réalisées en salons et festivals ? certains éditeurs ont déjà mis en place cette pratique. Est-il utopique de l'imposer à tous ?

Les éditeurs prendraient ainsi une part de la rémunération des auteurs en festivals et salons. Ils sont (financièrement) les principaux bénéficiaires de ces manifestations, ce serait donc la moindre des choses.

J'imagine qu'il y aura énormément de résistances. Ce sera compliqué administrativement pour l'éditeur et ça lui coûtera un peu d'argent. Mais je pense que les éditeurs, s'ils sont face à un choix tel que mettre en place ce système ou assister à la disparition de ces centaines de manifestations, sauront écouter la voix de la raison.

On peut penser les salons autrement.

Beaucoup de salons et de festivals sont presque uniquement commerciaux. Le public vient acheter et faire dédicacer des livres et on ne lui propose en fait pas grand chose d'autre...

Chaque manifestation devrait organiser des rencontres, des ateliers, des tables rondes, des conférences, des spectacles, des interventions d'auteurs, des expositions non seulement sur les lieux du salon ou dans les écoles, collèges et lycées mais aussi dans d'autres endroits comme les maisons de retraites, les hôpitaux, les prisons et les lieux de culture.

On m'objectera que cela se fait déjà. De très nombreux salons (en jeunesse en particulier) organisent des journées d'interventions d'auteurs en liaison avec les salons. Beaucoup organisent des lectures, des conférences, des tables rondes, des ateliers, proposent des spectacles et des expos.

Mais c'est bien loin d'être généralisé et ça va rarement plus loin que des interventions mal préparés à l'école ou au collège, des ateliers "garderie" de peu d'intérêt, des lectures, conférences ou tables rondes pas toujours cohérentes et des accrochages d'expos approximatifs. 

Impliquer tout un territoire, toutes les générations pourrait déclencher une autre dynamique, impliquer d'autres acteurs (et donc apporter d'autres financements). Cela pourrait permettre à beaucoup de salons et festivals de passer de la manifestation avant tout commerciale à la manifestation culturelle pour tous et pour chacun.
Bien sûr cela demanderait un gros travail aux organisateurs. mais d'autres acteurs apparaissant, le travail pourrait facilement être redistribué.  Toute une population qui ne s'implique absolument pas actuellement dans ces manifestations pourrait y participer activement.

Il faut préciser que pour tout ce travail d'interventions, rencontres, conférences, etc. l'auteur est rémunéré. Dans le modèle qui est actuellement proposé sur la rémunération des auteurs en salons, une journée d'intervention rémunérée impliquerait une demi-journée de dédicaces non rémunérée.

On peut se diversifier.

Il est souvent possible de proposer des tables ou des stands payants à des bouquinistes, des artisans d'art, des micros éditeurs, des vendeurs de para-bd par exemple, etc. Beaucoup de salons et festivals le font déjà mais, si on invite moins d'auteurs il serait plus facile de développer ces activités annexes puisqu'il y aurait un peu plus de place pour cela.

Les organisateurs ont la plupart du temps un stand. Ils y vendent des affiches, des ex-libris... Un peu d'imagination devrait pouvoir permettre de diversifier et d'augmenter les ventes... Regarder ce que font les autres devrait permettre à chacun de trouver de bonnes idées faciles à mettre en œuvre...

Il est possible (encore une fois, certains le font déjà) d'amener d'autres acteurs dans les salons du livre. Car tous les arts se croisent ! Pourquoi ne pas amener, aux côtés de la littérature, le cinéma, la musique, le théâtre, les arts de la rue, les arts plastiques, le jeu vidéo ?
Cela impliquerait d'autres intervenants, ferait venir un autre public...

Pas question de transformer les salons et festivals littéraires en fêtes de villages fourre-tout, évidemment ! Il s'agirait d'inscrire une dose de diversité cohérente et intelligente savamment calculée. Un salon littéraire peut-être une fête pour tous et pas seulement des rangées de tables alignées devant lesquelles passe un public d'intellectuels inspirés ou d'autographistes acharnés...

En conclusion

Alors oui, à première vue, rémunérer les auteurs, c'est possible...
Mais c'est loin d'être facile !

Parce que c'est énormément de travail pour les organisateurs le plus souvent bénévoles (et pour une si courte période).

Parce que les subventions se réduisent comme peau de chagrin et qu'elles sont de plus en plus compliquées à obtenir.

Parce que la culture de la quantité est reine, souvent au détriment de la qualité. Parce que le commerce est roi, souvent au détriment de l'Art, de la pédagogie, de la culture pour tous.

Parce que certains ne sont pas prêts à sacrifier une petite part de leurs bénéfices pour servir les créateurs et le public. 

Parce que la culture ça doit être gratuit et que le public ne doit pas payer pour ces manifestations puisqu'il les finance déjà par la fiscalité. 

Rémunérer les auteurs sur les salons et festivals, c'est possible... 
Notre but n'est pas de faire mourir ces centaines de manifestations si fragiles. Mais si nous auteurs nous disparaissons, alors, mécaniquement, elles disparaitront avec nous.
Nous ne pouvons plus, aujourd'hui, travailler ainsi bénévolement.
Alors réfléchissons ensemble. 
Trouvons les solutions ensemble. 
Elles existent.








samedi 21 janvier 2017

Chouette ! Une asso développe la bd à Angoulême.

Voilà ce que je me suis dit en tombant sur cet article de la Charente libre au hasard de mes pérégrinations sur facebouc.

J'ouvre le lien. 

Ça commence bien ! On y annonce la création de «l'association pour le développement de la bande dessinée à Angoulême». Et c'est la ministre de la culture qui la fait cette annonce. Pour vous dire que c'est du sérieux et que, sans aucun doute, ça va développer sec !

Où l'on parle de développer la bd à Angoulême

Tout ça m’intéresse particulièrement puisqu'il se trouve que j'écris de la bande dessinée, que j'habite Angoulême, que j'y suis responsable d'une petite maison d'édition, que j'y suis investi dans le fonctionnement d'une librairie bd associative et que je m'occupe de la gestion d'un atelier d'auteurs.

Donc je continue la lecture de l'article avec grand intérêt. 
«Cette nouvelle association permettra d'assurer une meilleure coordination et une meilleure implication des partenaires dans les orientations importantes du festival et dans l'utilisation des moyens financiers qui lui sont alloués»

Et là, d'un coup, je tombe de haut. 
Le développement de la bande dessinée à Angoulême, pour les gens qui ont créé cette association, c'est donc le développement du festival de la bd.
Et rien d'autre à première vue...

De l'importance du choix d'un nom 

Choisir un nom, pour n'importe quelle structure n'est pas chose anodine. Il se trouve que les mots veulent dire quelque chose.

Si «l'association pour le développement de la bande dessinée à Angoulême», qui ne va s'occuper, semble-t-il, que du festival a été nommée ainsi, c'est bien que, pour ses créateurs, la bd à Angoulême ce n'est QUE le festival. En extrapolant un peu, avec mon mauvais esprit, j'aurais même tendance à penser que la totalité de la bd se limite pour eux aux grands évènements organisés autour d'elle.

Il aurait suffit d'ajouter "du festival" entre "développement" et "de". Mais ça n'a pas été fait. C'est au mieux une maladresse, au pire une nouvelle marque de mépris envers les acteurs de la bande dessinée dans notre ville.

Où l'on parle de la BD à Angoulême

Car la bd, ici, vit toute l'année.
Le festival est un évènement très important, bien sûr, mais il ne dure que 4 jours. Or, 365 jours par an, la bande dessinée ici c'est (outre des écoles, la cibdi; des éditeurs et de nombreuses structures qui travaillent et s'occupent de bd) environ 200 dessinateurs, scénaristes, coloristes, ateliers  remplis d'auteurs.
               
Hé oui ! La bande dessinée, à Angoulême comme ailleurs, c'est avant tout plein de gens qui dessinent, qui écrivent, qui colorisent. C'est plein de gens qui s’efforcent de faire vivre leur art au mieux, qui inventent, créent, travaillent, innovent.

La bande dessinée, à Angoulême comme ailleurs, ce n'est pas que le festival. 
La bande dessinée ici et ailleurs est vivante. Et sans toute cette vie foisonnante le festival ne serait pas grand chose. 

Où l'on revient à la condition des auteurs

Et tous ces gens qui travaillent toute l'année pour, le plus souvent, des revenus misérables aimeraient bien qu'une association présentée par la ministre de la culture elle-même les aide à se développer, ça serait pas du luxe.
Parce que, peu à peu, beaucoup d'entre eux sont en train de mourir.

Mais non. On peut les laisser mourir. Ce qu'il faut développer, c'est le FIBD, le spectacle, le grand raout mondain de la fin janvier, l'endroit où, dans quelques jours, vont se bousculer les politiques de tous poils et de tous bords.

Développez comme bon vous semble, développez messieurs dames. Mais n'oubliez pas : bon nombre d'auteurs sont en train de mourir.
Et sans auteurs, pas de livres. Sans livres, pas de FIBD.

Bon festival à tous.
Nous, les sous-développés de la bande dessinée à Angoulême, nous y serons. 
Nous y rencontrerons nos lecteurs. Et finalement, c'est bien le plus important.

lundi 3 octobre 2016

Les auteurs de BD sont des héros !

Ben oui. C'est pas moi qui le dit, c'est Jack Lang. Pour vous dire que c'est pas un truc jeté en l'air comme ça, juste pour faire une petite phrase. Non, non, c'est du sérieux !


Voilà ce qu'il a déclaré. C'était la semaine passée, à Angoulême, où avaient lieu les rencontres nationales de la BD. Laissez moi vous expliquer un peu le truc.

Les gars, on va faire un truc formidable !

Il y a quelque temps, les chefs de le Cité Internationale de la BD nous annonçaient qu'allaient avoir lieu à Angoulême les rencontres nationales de la bd. Super. Encore plus super, les auteurs allaient être au centre de toute cette affaire et, cerise sur le gâteau, devinez qui allait venir pour l'occasion ? 
Hé oui !!! Jack Lang ! Jack Lang en personne ! Ça leur mettait des étoiles dans les yeux rien que de prononcer ce nom.
Un truc de fou.

Nous, les auteurs, ça nous a laissé un peu froid au début. Mais très vite nous avons réalisé que ça nous ouvrait effectivement les portes d'un monde merveilleux : celui du calembour nul.

Nous avons donc commencé avec Jack Langoulême, continué avec Jack Langoisse et terminé avec  un Jack Langoustine bien senti. L'ancien ministre ne nous en voudra pas, j'espère. C'est que nous sommes de grands enfants et puis je pense qu'il a entendu ce genre de trucs pourris pendant toute sa jeunesse...

Donc, ces rencontres, ça allait se tenir fin septembre, du mercredi au vendredi et ça serait plein de conférences passionnantes. Alors nous on s'est dit : vivement fin septembre ! Ça va être tellement bien de louper trois jours de boulot pour causer des problèmes du métier !

Mercredi 28 septembre, 11 h 45

On attend Jack dans le vaisseau Moebius (Oui, parce que le bâtiment principal de la Cité Internationale de la BD d'Angoulême, ça s'appelle le vaisseau Moebius, ça en jette, non ?). On cause à des journalistes tout excités. Je parle dans le micro de France Bleue ce qui me donne l'impression fugace d'être Joann Sfar.

Mais voilà que l'ancien ministre arrive en taxi. Il arrive, donc, serre les pognes, dit un petit mot sympa à chacun, cause dans des micros (mais lui ça ne lui donne pas d'impression particulière) et voilà, voilà, les rencontres, c'est parti.

Benoit Préteseille, auteur de bd avec Jack Lang. Au second plan, Samuel Cazenave premier adjoint au maire et Pierre Lungheretti, directeur de la cité de la bd. (photo Renaud Joubert pour la Charente Libre)

Mercredi 28 septembre, 14h30

C'est la première conférence à la salle Némo (oui, tous les trucs ici ont des noms géniaux), la salle principale du ciné d'art et d'essai de la Cité. 
Ça va être bien puisque Denis Bajram, Benoit Peeters et Valérie Mangin vont nous causer des derniers travaux des "Etats généraux de la BD". Ils font des choses formidables, un vrai état des lieux de la profession, une vraie réflexion, des choses indispensables et utiles. 

Il y a environ 150 personnes dans la salle qui ont hâte de les écouter.
Mais d'abord, faut ouvrir le truc. C'est la plaie, mais c'est comme ça. Dès qu'une manifestation se veut un peu importante, il faut que chacun y aille de son petit discours.

Là, on en a eu 7 ou 8 (je sais plus parce que j'ai peut-être été déconnecté à un moment...). Jack Lang a parlé le dernier et bon dieu, il a du métier ! Il cause tellement bien qu'on se demande quand même pourquoi les auteurs sont dans une si mauvaise situation alors que lui a plein d'idées depuis 35 ans pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais bon...

Mercredi 28 septembre, 15h30

La conférence commence enfin. 
On n'est plus qu'une centaine dans la salle. Plein de gens sont partis, dont Jack. Il a autre chose à faire, bien sûr. Et tous les autres politiques (ou presque tous) sont partis aussi. Ces gens sont sur-occupés que voulez-vous.

Du coup, on est entre nous. On a beau être sur-occupés nous aussi, on a décidé de rester. On écoute. Il se dit plein de choses intéressantes. On s'inquiète bien sûr, malgré les 7 ou 8 discours qui nous ont assuré qu'une pluie de pognon, d'aides et d'actions vachement super allait être déversée dans le petit monde de la bd.

On s'inquiète, mais on espère. parce que des idées, on en a, parce que se battre, on en a l'habitude. Il faut juste qu'on soit ensemble. 
Ça va le faire. Soyons optimistes.

Denis Bajram, Valérie Mangin et Benoit Peeters présentent les derniers travaux des EGBD. La médiatrice (à gauche) est Pili Munoz, directrice de la Maison des Auteurs à Angoulême. (et je ne sais pas qui a pris cette photo, désolé)

Et puis ça a duré 3 jours

Je ne vais pas vous détailler les conférences, d'autant que je n'ai pas assisté à toutes (la maison d'édition dont je m'occupe sortait un bouquin mercredi, donc y'avait du boulot !), mais c'était vraiment intéressant et vraiment utile, ces trois petits jours. Utile pour faire avancer l'état des lieux, utile pour commencer à esquisser des solutions, à échafauder des plans de  bataille...

Et c'est là la prochaine étape : les trouver nous même, ces solutions, sans espérer outre mesure des politiques et des institutionnels. Les mettre en œuvre ensuite, ensemble, avec tout l'enthousiasme qui nous reste. Parce que ce métier, on l'aime et parce qu'on ne veut pas mourir.

Merci à la Cité d'avoir organisé tout ça (chapeau pour la terrible soirée cognac du jeudi soir !), merci à tous les intervenants, merci particulièrement aux trois des États Généraux de la BD, merci à tous ceux qui ont assisté aux conférences. 
Et il faudra refaire ça l'année prochaine. Avec peut être moins de discours, mais toujours une soirée cognac.

Mais revenons à cette histoire de héros !

Oui parce que je vous ai parlé de plein de trucs qui n'ont rien à voir avec le titre de cet article et il est temps d'y revenir. 
Monsieur Jack Lang a donc déclaré mercredi :

"Les auteurs de BD sont héroïques, avec un incroyable dévouement à leur art. Leur rémunération n'est pas à la hauteur de leur talent et de leurs créations"

Nous sommes donc des héros. Les gens ont toujours besoin de héros. Ça les fait rêver. Mais les mots de Jack m'ont fait penser à d'autres mots, écrits par un écrivain que j'adore : Jean Giono.

"Le héros n'est pas celui qui se précipite dans une belle mort, c'est celui qui se compose une belle vie."

Alors, messieurs les politiques qui avez prononcé vos discours et puis êtes sortis de la salle sans daigner perdre votre temps pour nous écouter, oui nous sommes des héros.

Mais ne vous en déplaise, nous serons de ces héros dont parle Giono. 
Des héros vivants