Les bancs de la place du Champ de Mars ont été mis en cage...
On aurait pu les enlever, ces bancs, et le faire à une autre période, ça aurait sans doute fait un peu moins le buzz. Mais non.
On a choisi d'assumer sa position en faisant poser ces grillages la semaine de Noël.
J'ai malheureusement l'impression que le calcul n'est pas mauvais car il me semble que les voix qui s'élèvent contre les grilles ont moins de poids électoral que ceux qui les approuvent.
Mais peut-être que je me trompe; j'espère que je me trompe.
Les bancs sont en cage place du Champ de Mars ! |
Un objectif : décourager les marginaux qui passent là leurs journées avec leurs chiens et leurs bouteilles.
Bien. C'est assez classique pour une municipalité (de quelque bord soit-elle) de tenter des choses pour éloigner la marginalité, la misère, la différence, de son centre ville.
On pourrait multiplier les exemples :
C'est ainsi.
Ce qu'on veut, ici, c'est vivre entre soi. Ce qu'on veut, ici, c'est faire du commerce et des affaires dans une ville propre et nette.
Ce qu'on veut, c'est qu'aucun de ces marginaux, souvent avinés, parfois violents, avec des chiens qui font peur, une façon d'être qui terrorise, une manière de vivre qui horrifie, ne vienne souiller le centre de nos villes.
C'est que l'étrange étranger, le miséreux ou simplement le pauvre, le marginal, le différent, n'ont rien à y faire !
Et puisque la police n'a pas de véritables moyens pour les mettre dehors, empêchons-les donc de s'asseoir, ils iront ailleurs. N'importe où. Le but n'est pas de trouver une solution au problème, c'est de le déplacer.
Déplacer l'autre.
Il existe pas mal de moyens pour ça : on peut déporter, mettre dans des camps, mettre au ban, cantonner dans des ghettos, exproprier, expulser, chasser, emprisonner, assassiner. Mais ces solutions ont tendance, de nos jours à être considérées comme un peu trop extrêmes...
On en utilise donc d'autres. Plus pernicieuses. Toutes presque aussi violentes pourtant.
Car empêcher le SDF, ou le Marginal, ou le Vagabond, ou le Pauvre, ou le Voyageur, ou l’Étranger, ou l'Autre de venir dans les centres-ville, c'est lui interdire de tenter d'assurer un minimum sa subsistance, l'empêcher de s'insérer dans la société, lui dénier le droit de vivre.
C'est lui interdire le droit à la différence, cette différence si importante pour nous faire réfléchir, évoluer, avancer. Cette différence qui fait de l'être humain un être unique et singulier.
Et d'ailleurs, où commence-t-elle, cette différence ?
Et où s'arrête-t-elle, l'uniformité que désirent tant les centres-villes ?
Nul ne peut répondre à ces questions. Car les réponses varient sans cesse, au gré des évènements, des politiques, des peurs, des modes. L'Histoire a connu bien des périodes ou le pire était permis, accepté, souhaité, espéré. Et commis dans l'assentiment quasi général.
Ça commence par un banc autour duquel on met des grilles. Des petites grilles de rien du tout, comme une prison dérisoire pour mobilier urbain indésirable.
Qui sait comment ça peut continuer ?
Qui peut imaginer comment ça peut finir ?