Bonjour !

Je suis écrivain et scénariste de BD.
Mon premier livre est sorti en 2009. Depuis, j'en ai sorti 22 autres... Je travaille aussi pour le ciné, la télé, le jeu vidéo, les applications et même le jeu de plateau.
Car pour toutes ces créations, il y a besoin d'écrire. Donc j'écris. Depuis le temps que j'en rêvais !

Et pourtant bien souvent je l'entends, cette question étrange : "Et sinon, vous avez un vrai métier ?".
Elle me fait un drôle d'effet et je n'ai pas encore trouvé comment y répondre... Alors ce blog va servir à ça : à essayer d'expliquer que oui, écrivain et scénariste, c'est un métier, un vrai.

mercredi 11 juin 2014

Lettre ouverte aux lecteurs.

A partir du 1° janvier 2016, nos charges sociales vont augmenter d'une façon extrêmement importante, sans aucune amélioration de la couverture sociale. Être auteur ce sera laisser 23% de son revenu en charges sociales. Comme un salarié, en gros.

Mais l'auteur n'est pas "comme un salarié".

L'auteur n'a pas de congés payés, pas de droits au chômage, pas de tickets restaurants, pas de mutuelle. En échange de ses 23% il n'a qu'une couverture sociale minimum, une future pension de retraite dérisoire et une retraite complémentaire qui, de l'aveu même de la caisse qui gère ça, est en moyenne de 1500 € par an.

L'auteur paye le loyer, l'électricité, le chauffage, l'assurance, la femme de ménage de son lieu de travail. Il paye son ordi, son imprimante, son scanner, ses photocopies; son accès internet, son téléphone pro, ses stylos, ses pinceaux, son bureau, sa chaise, la machine à café et les bouquins pour la documentation. Heureusement, il pourra royalement déduire 10% pour frais professionnels sur sa feuille d'impôts...

L'auteur trouve lui même son "employeur". Pour cela, il monte à ses frais des dossiers de présentation qu'il envoie à ses éditeurs préférés, à ses frais toujours. Les projets dont personne ne voudra auront demandé des mois de travail sans aucune rémunération et finiront dans un tiroir oublié ou à la corbeille. Il est de plus sans cesse à la merci de l'arrêt de sa série sans même qu'on lui ait donné une chance de s'imposer auprès des lecteurs, à cause d'un changement de directeur de collection, ou de politique éditoriale, ou de je ne sais quoi d'autre.

L'auteur un tant soit peu reconnu court les festivals pour y faire des dédicaces. Sans aucune rémunération, là encore. On l'invite, bien sûr, on le nourrit, on le loge et on lui paye les frais de déplacements sur les festivals, mais il ne touche rien pour les heures passées à signer ses œuvres.

En BD ou en livre jeunesse où il y a la plupart du temps 2 auteurs, le scénariste et le dessinateur auxquels il faut parfois ajouter le coloriste, l'auteur touche entre 4 et 5% de droits d'auteurs.
C'est pas beaucoup ! Sur une BD à 15 €, ça fait entre 0,60 et 0,75 €. Enlevons les charges sociales, ça donne entre 0,49 et 0,61 €. Pour atteindre le montant d'un smic, il doit donc vendre entre 1.851 et 2.304 livres par mois... Sur l'année entre 22.212 et 27.648 livres.
Et bien sur, sur ce smic, restent à retirer tous les frais des paragraphes 2 et 3 de cet article...

Voilà... Voilà pourquoi nous avons peur de mourir. Voilà pourquoi nous sommes en colère.
Nous ne savons pas quoi faire.
S'unir et agir ? Oui, mais nous sommes si peu nombreux ! Qui nous entendra ?
Changer de métier ? Mais c'est que nous l'aimons, ce métier, suffisamment pour le faire depuis des années en ne gagnant pas grand chose.
Diversifier nos activités ? Mais c'est que nous en faisons, des heures et qu'à part en inventant la journée de 30 heures, ce n'est pas vraiment possible.

Alors vous, les lecteurs, aidez nous à survivre.
Parce les livres, ça nous fait vibrer, rêver, rire, pleurer...
Vivre quoi...