Bonjour !

Je suis écrivain et scénariste de BD.
Mon premier livre est sorti en 2009. Depuis, j'en ai sorti 22 autres... Je travaille aussi pour le ciné, la télé, le jeu vidéo, les applications et même le jeu de plateau.
Car pour toutes ces créations, il y a besoin d'écrire. Donc j'écris. Depuis le temps que j'en rêvais !

Et pourtant bien souvent je l'entends, cette question étrange : "Et sinon, vous avez un vrai métier ?".
Elle me fait un drôle d'effet et je n'ai pas encore trouvé comment y répondre... Alors ce blog va servir à ça : à essayer d'expliquer que oui, écrivain et scénariste, c'est un métier, un vrai.

dimanche 24 août 2014

Interventionisme

Vous l"avez bien compris si vous avez lu quelques-uns des articles de ce blog ou si vous suivez un peu l'actualité sociale des auteurs, il est quasiment impossible de gagner sa vie avec ses seuls droits d'auteur. C'est un privilège réservé à une poignée d'auteurs qui ont eu le bonheur de rencontrer le succès durable.

Trouver des revenus "annexes"

Ainsi, l'auteur cherche sans cesse des sources de revenus différentes. 
Or il en est une qui a de nombreux avantages : l'intervention ou la rencontre en milieu scolaire, en bibliothèque ou en médiathèque, ou dans n'importe quel endroit où le public a envie de le rencontrer.

L'intervention, particulièrement en milieu scolaire (école, collège, lycée), je trouve ça formidable. On découvre un autre public, un public qui s'étonne souvent qu'un auteur puisse être vivant, puisse exister en chair et en os. 
Un public plein de questions, avide de réponses, toujours curieux, souvent enthousiaste.

Attention, les interventions, c'est du boulot ! C'est même assez épuisant. 
J'ai fait pas mal d'interventions en maternelles avec "Anatole ou la joie de vivre" et je suis à chaque fois sorti des classes complètement vidé ! 
Et quel que soit l'âge des participants, c'est pareil, on fait une sorte de one-(wo)man-show, un spectacle devant une cinquantaine d'yeux qui vous scrutent; pas de droit à l'erreur !
En gros, il faut aimer ça.

C'est bien, les interventions !

Et pour ceux qui aiment cet exercice (j'en suis, vous l'avez compris, j'adore ça !), c'est assez pratique :

- ce sont en général les établissements qui demandent les interventions ou les organisateurs d'évènements autour du livre. Pas de commercial laborieux pour les décrocher. Ouf ! Car, commercialement parlant, l'auteur est souvent assez nul.

- au niveau des tarifs, pas trop de négociations : les tarifs de la charte des auteurs et illustrateurs sont en général appliqués, même si, parfois, quelques établissements sans le sou tentent un petit rabais. Ouf encore, car niveau négociation tarifaire, l'auteur est la plupart du temps encore plus nul que pour le commercial !

Les interventions, ça peut être un bon complément de revenus. Beaucoup de festivals, par exemple, organisent des rencontres entre les écoles de leur coin et les auteurs invités. Deux jours d'interventions décrochés ! Un bon billet qui va rentrer !

Et voilà venir le petit problème...
Il faut les facturer, ces interventions !

L'auteur assujetti à l'agessa

Cette rémunération, ce n'est pas du droit d'auteur. Il s'agit en effet "d'activités accessoires aux activités artistiques". 

Bien. Alors faisons une facture !
STOP ! Si vous n'êtes qu'assujetti à l'agessa, ça ne marche pas ! Car ces revenus accessoires sont réservés aux affiliés ! Le "petit" auteur, celui qui gagne moins de 8487 € par an (seuil d'affiliation pour 2014), celui qui a le plus besoin de ces revenus accessoires, n'a pas le droit de les toucher comme ça !!!

Pour se faire payer il a deux solutions :

1) se faire salarier comme "intervenant". Évidemment, c'est presque impossible ! Cela revient beaucoup plus cher pour le donneur d'ordre, il faut faire un contrat de travail en CDD avec toute la paperasserie que ça implique, donc... 

2) établir une note d'honoraire. Hé ben voila !!! Ça, c'est pas compliqué !
Ben, si, un peu... Car pour faire une note d'honoraire, il faut être profession libérale ou auto-entrepreneur. Donc avoir un de ces statuts implique à nouveau inscription, paperasserie. Et double statut !

L'assujetti qui veut faire des interventions doit en effet avoir un double statut car :
- ses droits d'auteurs dépendent uniquement du statut d'auteur (rappelons que les activités concernant la production littéraire et artistique sont interdits en auto-entreprise et qu'auteur n'est pas une profession libérale).
- ses interventions dépendent du statut d'auto-entrepreneur ou de professionnel libéral.


L'auteur affilié à l'agessa

Pour lui, pas de problème. Il peut facturer et déclarer à l'agessa ses interventions en "activités accessoires aux activités artistiques". Cool !
Mais, non, ce n'est bien sûr pas si simple !
Car les affiliés doivent faire bien attention ! Ces revenus annexes ne peuvent dépasser 80% du seuil d'affiliation, soit, pour cette année, 6.789 €.

Si ça dépasse cette somme, ces revenus ne seront plus annexes et ils ne dépendront plus de l'agessa. Un seul euro de dépassement, et la totalité des revenus annexes sera requalifiée (et non pas le seul euro de dépassement).
L'auteur affilié devra alors opter pour un deuxième statut (auto-entreprise ou profession libérale).

Bien sûr 6789 €, ça parait beaucoup. Mais rappelons que la journée d'intervention est facturée 411 € et la demie-journée 248 €. 15 jours d'interventions dans l'année ou 27 demies-journées, et c'est dépassé ! Ca peut être vite fait si deux ou trois festivals vous convient à des rencontres et que vous participez à un important projet d'école !

Autre problème pour l'affilié : les revenus annexes ne doivent pas dépasser les revenus en droits d'auteurs. Bien; normalement, pas de problème.

Mais imaginons une mauvaise année : pas de projet signé, donc pas d'avances sur droits, ou un mauvais payeur, ou un poignet cassé qui vous empêche de bosser pendant un bon bout de temps, mais ne vous interdit pas de faire cette série d'interventions prévues depuis longtemps...

Allez hop, c'est la faute à pas d'chance, mais là aussi, il faut opter dans le double statut !

Vive la culture pour tous !

Alors voilà. Triste constat.
Allons rencontrer notre jeune public. 
Faisons entrer la culture et l'art dans les écoles.
Travaillons pour la culture pour tous.

Mais pas trop, hein ! 

Faudrait pas que ce soit trop simple de partager notre amour du dessin et de l'écriture. Faudrait pas que ce soit facile de montrer aux plus jeunes qu'on peut avoir de l'imagination, qu'on peut faire un métier qu'on aime, 

que les auteurs ne sont pas que des gens morts avec leurs noms dans les dictionnaires.