Bonjour !

Je suis écrivain et scénariste de BD.
Mon premier livre est sorti en 2009. Depuis, j'en ai sorti 22 autres... Je travaille aussi pour le ciné, la télé, le jeu vidéo, les applications et même le jeu de plateau.
Car pour toutes ces créations, il y a besoin d'écrire. Donc j'écris. Depuis le temps que j'en rêvais !

Et pourtant bien souvent je l'entends, cette question étrange : "Et sinon, vous avez un vrai métier ?".
Elle me fait un drôle d'effet et je n'ai pas encore trouvé comment y répondre... Alors ce blog va servir à ça : à essayer d'expliquer que oui, écrivain et scénariste, c'est un métier, un vrai.

mercredi 21 février 2018

Si on organisait les interventions d'auteurs ?

Pour les auteurs, il devient de plus en plus difficile de vivre de leur travail d'écriture, d'illustration ou de dessin. A valoirs en chute libre, pourcentages sur les ventes en baisse, charges en hausse constante et bien sûr, tirages (et donc ventes) qui se réduisent de plus en plus.

Trouver des revenus annexes

Beaucoup d'auteurs vont chercher des revenus annexes en faisant des interventions, des rencontres ou des ateliers en milieu scolaire. Bien sûr, certains auteurs n'aiment ou ne peuvent pas faire ce genre de travail. C'est difficile, fatigant, exigeant et vraiment très particulier. Mais beaucoup adorent rencontrer leur public ainsi.
Et puis, c'est une bonne source de revenu grâce aux tarifs posés par la charte des auteurs et des illustrateurs et acceptés par (presque) tous : 376 € par jour...

Mais pour l'auteur, c'est très difficile de les trouver, ces interventions. Elles sont souvent loin de chez lui, ou sont découpées en demi-journées qui se posent ça et là sur le planning et demandent des temps de déplacements parfois compliqués et pénalisants. Il arrive souvent qu'on ait deux heures de déplacement pour une heure ou une heure et demi de travail auprès des élèves. Et si certains mois sont très creux, il faut souvent refuser des rencontres à certains moments pour cause d'embouteillage. Et ne parlons pas des difficultés parfois énormes pour se faire payer !

 Organiser le système


Or il se trouve que, depuis quelques années, on parle beaucoup de faire rentrer la culture à l'école en y multipliant les interventions  d'artistes et d'auteurs. Alors bien sûr, quand on rapproche ces deux réflexions, ça donne des idées : Les auteurs et les établissements scolaires recherchent des interventions ? Et si on organisait tout ça ?

Si on se saisissait du problème ? Si on planifiait pour les auteurs intéressés des journées entières dans des établissements près de chez eux ? Si on construisait ces plannings d'interventions pour l'année ? Si on établissait des contrats un peu dans le genre de ce qui se fait pour les sportifs de haut niveau ?

Imaginons un peu...

 

Un auteur s'engagerait pour faire, par exemple 15 journées d'interventions, rencontres ou ateliers dans l'année. Moins d'une demie par semaine travaillée dans l'année scolaire (36 semaines).
L'auteur n'aurait pas de recherches fastidieuses et aléatoires à faire, il aurait un interlocuteur unique, une convention annuelle unique, une facturation unique, un revenu stable et régulier, versé sans retards. Il se déplacerait chaque fois pas loin de chez lui dans un établissement, et y rencontrerait 3 ou 4 classes.
Il toucherait dans l'année 376 € x 15 semaines = 5.640 € nets.

Quand on sait que beaucoup d'auteurs sont sous le seuil de pauvreté, ce n'est pas rien !

Bien sûr ce système n’empêcherait pas l'auteur de participer à des projets d'école ou à des interventions, rencontres, ateliers en dehors du dispositif. 
Il serait toujours possible de développer avec des établissements ou des organismes des projets longs ou particuliers. Le système d'interventions dont je parle ici ne les remplace pas : il permet simplement à chaque élève du pays de rencontrer un auteur, un illustrateur ou un dessinateur au moins une fois dans l'année.

Changer les règles.

Il faudrait peut-être, pour mettre en place un tel système, changer quelques règles puisque :

"Le montant annuel des rémunérations au titre des activités annexes, toutes interventions cumulées, ne peut excéder 80% du seuil d'affiliation au régime de la sécurité sociale des auteurs, soit 6919 euros pour les revenus perçus en 2015."

Les règles sont faites pour être adaptées et, à l'heure où les auteurs ne peuvent plus vivre de leurs suls droits d'auteur, des changements de règles des agessa m'apparaissent indispensables.

Nous ne sommes pas des animateurs culturels !

Et nous ne voulons pas le devenir. 
Mais bien sûr l'adhésion à un tel programme serait entièrement volontaire, d'une part, et le nombre de ces interventions pour parler de son métier et de son travail seraient assez limité d'autre part.

Je ne pense pas qu'aller dans des écoles une quinzaine de fois dans l'année fasse de nous des animateurs culturels.

Sortir de la précarité et accéder à la culture. Deux utopies ?

Un tel programme 'est peut être bien utopique... 
Ça ne semble pourtant pas si compliqué à organiser et puis...

Il y a en France 62.600 établissements (écoles, collèges, lycées) et pas loin de 500.000 classes.
Si chaque auteur voit 3 classes par jour d'intervention, on peut proposer ce genre de contrat à plus de 10.000 auteurs, illustrateurs ou dessinateurs.
Et bien plus encore si on inclut dans le programme les universités, les maisons de retraites, les centres sociaux, les prisons, les hôpitaux...

10.000 auteurs qui, en faisant un travail qu'ils aiment 15 jours par an pourraient enfin travailler plus confortablement et surtout sortir de la précarité et de l'incertitude.
12.000.000 d'élèves qui rencontreraient une fois par an ceux qui font le littérature d'aujourd'hui. 
La quasi totalité des élèves qui pourraient bénéficier d'un accès à la culture généralisé et de qualité.

On peut rêver, non ?